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Quelques réflexions sur l'économie politique ou la politique économique

Les paradoxes de l’agriculture

Publié le 4 Octobre 2016 par Francois Licoppe in agriculture

Afin de nourrir l’humanité il n’y aurait pas 36 solutions, il conviendrait d’augmenter les rendements.

Ce faisant on créerait en fait davantage d’inégalités car seule une partie des exploitations agricoles auraient les moyens financiers pour ce faire, réduisant donc les capacités de développement de la majorité des autres exploitations agricoles poussant les paysans qui y travaillent à la famine.

Le raisonnement est exactement le même pour les OGM. Même s’ils pouvaient démontrer de leur parfaite innocuité, ils ne pourraient être achetés que par une faible partie des plus riches exploitations. « Progrès » scientifique ne coïncide donc pas avec progrès social.

Un accroissement des rendements aurait pour corollaire qu’il conviendrait de sélectionner les plantes qui sont les plus « productives », dont on peut extraire le plus de quintaux par hectare ou le plus de calories par kilo. Il conviendrait ainsi d’abandonner le millet au profit du blé par exemple. Cela aurait pour effet de faire disparaître à terme la biodiversité.

Accroissement des rendements, de par la loi des marchés, conduirait à une baisse des prix des denrées agricoles, ce qui amènerait une croissance de la population. C’est le pendant de la loi d’airain. Plus les salaires augmentent, plus la possibilité de reproduction s’accroît ce qui entraîne une baisse des salaires et par voie de conséquence une baisse de la natalité. Une augmentation de la population planétaire suite à la baisse du coût alimentaire de la vie entraînerait une hausse du prix des aliments commandant soit une nouvelle hausse des rendements, chaque fois plus difficile à réaliser, soit une réduction volontaire ou contrôlée de la population. On comprend pourquoi le premier objectif de nos dirigeants n’est donc pas de réduire le coût de l’alimentation (à ne pas confondre avec le prix payé pour les biens produits par les agriculteurs), coût qui a d’ailleurs connu l’un des plus forts taux d’inflation.

Afin de pouvoir se développer, le secteur paysan, qui devrait être un secteur considéré avec plus d’égards puisqu’il permet au monde de se nourrir, devrait être protégé. Afin d’encourager les agriculteurs à produire davantage, il faudrait donc leur garantir des prix élevés et stables. L’expérience de la PAC en a montré les conséquences: la constitution d’excédents se transformant en stocks que l’on dû détruire si on ne voulait pas exercer une pression trop forte à la baisse sur les prix ce qui aurait amené le monde paysan (ou à tout le moins une partie de celui-ci) à la ruine.

Afin d’optimiser le système toujours dans le but de nourrir plus et mieux, il conviendrait aussi de spécialiser les productions et de créer des marchés internationaux permettant d’écouler celles-ci d’une zone à l’autre. Ce faisant on favorise le mieux disant, celui qui est capable d’offrir le bien alimentaire nécessaire au meilleur prix. Celui-ci sera bien souvent un exploitant basé dans un pays en voie de développement dont le coût de main d’œuvre est par définition moindre. Si des politiques interventionnistes, soit l’opposé des lois de marché, ne sont pas mises en place, subsidiant les agriculteurs des pays dits avancés ces derniers feront faillite.

Si les rendements agricoles devaient par miracle augmenter dans toutes les régions du monde, l’afflux de paysans devenus inutiles accroîtrait l’urbanisation et la montée du chômage que les systèmes sociaux d’aucun pays ne pourraient supporter. Cela aurait par ailleurs pour effet de diminuer le pouvoir d’achat global et donc de réduire la demande solvable pour les biens agricoles, diminuant ainsi les revenus des paysans.

Une hausse des prix agricoles serait souhaitable pour le monde paysan. Les prix des biens agricoles ont été orientés pendant plus de 30 ans à la baisse empêchant une très grande partie des agriculteurs de se développer, de pouvoir mécaniser leurs cultures ou de tout simplement pouvoir disposer de revenus suffisants pour faire mieux que survivre. Lorsqu’il y eu enfin une flambée des prix agricoles en 2008 on eut droit à des émeutes, les non paysans ne pouvant endurer cette inflation. Bien être des paysans irait donc de pair avec mal être du reste des habitants de la planète.

On pourrait allonger la liste.

Le problème semble irrésoluble.

Il semblerait à cette lecture qu’il conviendrait de prôner l’inverse, soit la réduction des rendements mais un monde sans agriculture du type de celle que nous connaissons, un monde qui reviendrait à la chasse et à la cueillette comme seule source de subsistance ne pourrait pas nourrir plus d’un demi-milliard d’êtres.

Alors quoi ?

Tout ceci prend pour postulat que nous vivons et vivrons dans le cadre des techniques agro industrielles actuelles qui pour augmenter le rendement nécessitent la mécanisation, des intrants chimiques, de l’eau en abondance, … en résumé du capital. Ce capital ne peut être à disposition de tous en même temps. C’est lui qui est à l’origine de l’accroissement des inégalités que l’on a constaté au sein du monde paysan depuis des décennies. Or il existe d’autres techniques qui permettent l’accroissement des rendements et qui ne nécessitent peu voire pas de capital. Il s’agit de l’agroforesterie, du réaménagement du sol grâce à des techniques bio, à la biodynamique,…

Ces techniques ont le mérite de pouvoir être mises en pratique par tous au même moment. Ne donnant ainsi un avantage compétitif à aucun. Elles permettent aussi de revenir à une auto subsistance ou à tout le moins à une autonomie région par région, rendant la spécialisation et donc les marchés internationaux des denrées alimentaires vains.

On comprend pourquoi on cherche à nous faire croire que ces techniques sont impensables, stupides,… relèvent de la mythologie écolo bobo, voire de la sorcellerie.

Certes, les mettre en place prend du temps. Rendre un sol à nouveau riche en nutriments et ainsi accroître le contenu nutritif des aliments, la meilleure façon d’accroître les rendements, peut prendre jusque 5 ans. De plus en plus d’études démontrent cependant que ce délai avec les anciennes nouvelles techniques les plus performantes peut être réduit à seulement 2 ans. Il ne reste plus aux paysans que d’entreprendre une reconversion qui sera pénible à court terme mais profitable sur le long. C’est peut être cela le développement durable.

Les promoteurs d’autres formes d’accroissement de rendements (OGM, engrais chimiques, pesticides, …) sont en fait les meilleurs défenseurs du capitalisme. Ils sont par voix de conséquence les meilleurs défenseurs de l’état qui malgré les nombreuses réformes de la politique agricole commune reste toujours dans le cadre de l’agro business actuel un acteur incontournable permettant au travers d’une politique d’aides ciblées la survie de bon nombre d’exploitants, une forme de clientélisme. Ils sont finalement donc ceux qui empêchent l’autonomie du monde paysan et de l’humanité.

Ces techniques ont par ailleurs l’avantage d’être plus consommatrices en temps et en main d’œuvre, ce qui mettrait fait à l’exode rural et à la montée du chômage. Elles devraient, si l’état gérait vraiment en bon père de famille être aidées par celui-ci. Plutôt que de dépenser des fortunes dans la PAC, qu’il octroie des subsides à la reconversion. C’est oublier que l’état est partie liée à l’agro business et que le chômage est bien sa préoccupation première non qu’il essaye de le faire baisser mais bien de l’augmenter, appliquant ainsi la loi d’airain.

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