VERS LA FIN DE L’UNION

Il y a plusieurs façons d’analyser le plan de quantitative easing (politique monétaire non conventionnelle) décidé le 21 janvier par la BCE. Elle a enfin décidé de faire comme tout le monde ayant pourtant constaté que cette solution n’était pas une panacée, mieux valait ça que le statu quo, elle espère relancer l’économie,…. Le plus intéressant réside dans les caractéristiques de cette mesure non conventionnelle; ce sont les banques nationales qui vont racheter l’essentiel de la dette de leur propre Etat. Les banques nationales dont le pouvoir n’avait eu de cesse de baisser et qui s’étaient vu coadjoindre la BCE dans la surveillance des quelque 130 plus grandes banques d’Europe retrouvent ainsi quelque autonomie. On avait déjà assisté en 2012-2013 a une renationalisation de la dette par les banques commerciales privées. Les banques allemandes avaient alors cédé la dette grecque, les banques grecques l’ayant rachetée. Chaque banque ses problèmes. Ce mouvement s’opère aujourd’hui de la même façon mais au niveau des banques centrales nationales. Chaque Etat ses problèmes. C’est tout sauf de la solidarité. On remarquera d’ailleurs que ce plan QE ne favorisera en aucune façon la Grèce car il est plafonné à 33% du montant total de la dette émise (les banques centrales nationales et la BCE ne peuvent stocker plus de 33% du total de dettes émises par un Etat), quota qui est déjà atteint par la Grèce dont les créances sont par ailleurs constituées essentiellement de prêts et non d’obligations émises par l’Etat. On va donc vers une renationalisation des politiques monétaires et une confirmation de l’absence de tout désir de solidarité intra européen. Certains vont s’en réjouir car c’est peut être une première étape avant la disparition de l’€, ce qu’appelle de leurs vœux quelques uns. Mais l’€ n’est pas mauvais per se. On a beaucoup écrit qu’il avait surtout favorisé l’Allemagne, si cela est pour partie vrai, l’Allemagne a vu ses exportations se faire essentiellement vers des pays hors zone € et sa situation économique n’a pas aussi merveilleuse qu’on essayait de nous le faire croire. Elle n’enregistre que quelques dixièmes de point de croissance de plus que la moyenne européenne mais il est vrai que ça peut faire beaucoup lorsque le taux de croissance moyen de l’Europe avoisine les 0%, c’est la différence entre être en récession ou pas. L’Allemagne, ne l’oublions pas, a toujours eu du mal à abandonner son Mark. Lors des dernières élections, la percée de Alternative für Deutschland, un nouveau parti ayant pour premier but l’abandon de l’€ a su nous le rappeler. Est-ce que l’Allemagne a encore un réel intérêt à faire partie de la zone € ? Elle avait concédé d’accepter cette sous monnaie contre l’autorisation française de pouvoir procéder à la réunification avec sa partie orientale. Il est peut être temps du côté allemand de passer à autre chose. Tout comme la Suisse semble l’avoir déjà compris. D’autres pourraient se féliciter du retour de l’Etat Nation suite à cette nouvelle, affirmant que ce dernier est un meilleur rempart que l’Europe dans la préservation des acquis sociaux. C’est oublier que nos chefs de gouvernements siègent au Conseil européen et que des gouvernements nationaux n’ont jamais concédé de bonne grâce quelques avantages que ce soit. Il convient aussi de mentionner la coïncidence de date entre cette décision de la BCE et les élections qui vont se tenir en Grèce le 25 du même mois et où selon toute vraisemblance un parti radical pourrait accéder au pouvoir. Cette opération de la BCE pourrait donc être assimilée à une manœuvre de préparation à cet éventuel choc. Elle permet de contingenter la survenance du problème grec. Syriza a montré son souhait de rester dans la zone € et Merkel a signifié que tout compte fait un Grexit ne la dérangerait pas. Rendre chaque pays davantage autonome, ce qui est en définitive une des conséquences de la décision de la BCE permet d’allumer un contre feu à la menace grecque. En abandonnant l’€, étape suivante potentielle, l’Europe ne s’en trouvera pas mieux. Elle redeviendrait ainsi une simple zone de libre échange, le souhait des britanniques, et permettrait ainsi de couper l’herbe sous le pied au referendum qui devrait se tenir tout prochainement en Grande Bretagne sur le sujet de savoir si celle-ci doit opter out non seulement de l’€, ce qu’elle a déjà fait, mais de l’Union tout court. L’opération de la BCE aurait ainsi un caractère défensif. Il y a néanmoins un aspect positif à cette mesure, celle de rendre une annulation partielle de la dette à tout le moins imaginable. Accepter d’annuler la dette d’autrui est un exercice d’un tel altruisme qu’il en est impossible, annuler sa propre dette rentre lui dans le champ des possibles. Chaque banque nationale détenant à terme un tiers de sa propre dette pourrait très bien décider de l’annuler. Il ne s’agirait là que d’une écriture dans ses livres de comptes. Une banque centrale par définition ne pouvant tomber en faillite, il lui suffirait de procéder à une émission de capital visant à éponger ses pertes suite à l’annulation de la dette détenue en y souscrivant à l’aide de l’argent qu’elle émet. Les montants des dettes de l’ensemble des pays européens sont devenus insoutenables et ceci non seulement pour la Grèce. Le programme décidé par 25 des 27 Etats européens dans le cadre du Traité de Stabilité de Coordination et de Gouvernance prévoit qu’il faut réduire le différentiel de taux Dette/PIB sur 20 ans pour le ramener à la norme de 60%. Cela représente quelque 8 à 10 milliards par an pour un pays comme la Belgique, effort insoutenable qui ne pourra provoquer que conflits sociaux et résistance citoyenne. Si tous les pays européens décidaient en septembre 2016 date à laquelle ils auront accumulé chacun un tiers de leur dette de la supprimer cela ne devrait pas donner lieu à quelque pression que ce soit, chacun procédant de même. Il ne resterait plus qu’à dédommager les épargnants détenteurs finaux de ces mêmes dettes, ce qui est à nouveau tout à fait imaginable pour des banques centrales à la source de toute création monétaire. Ce serait sans doute la fin partielle du système capitaliste financier que nous connaissons aujourd’hui. La fin partielle de cet outil de redistribution de richesse qu’est la dette publique mais lorsque cette dernière ne paye plus voire n’offre que des intérêts négatifs, n’est ce pas une solution qui serait acceptée par la grande majorité et qui permettrait qui plus est d’éviter un éventuel chaos social et d’ainsi préserver le système.