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Quelques réflexions sur l'économie politique ou la politique économique

Publié le 2 Mars 2016 par Francois Licoppe

Quelques réflexions sur la « Révolution »

La révolution que certains appellent de leurs vœux a une longue histoire : de Spartacus à l’époque romaine, au « printemps arabe » en passant par la révolte des cipayes en Inde sous l’Empire britannique, la Commune de Paris en 1871,… Seul deux d’entre elles peuvent être considérées comme un « succès » : la révolution française de 1789 et la révolution bolchevique de 1917. Nous ne traiterons ici que de ces deux dernières ainsi que la Commune de Berlin, la révolte spartakiste de 1918-1919 en Allemagne afin de les mettre en perspective, de les comparer et de voir si les conditions d’une 3ème révolution « réussie » sont aujourd’hui réunies. La première différence entre la révolution française et russe par rapport à la révolution de Rosa Luxembourg et de Karl Liebnecht est que les deux premières se sont déroulées dans un contexte « féodal » où dominait une monarchie absolue à l’hallali alors que la révolution allemande s’est déroulée dans un contexte où le système politique était le parlementarisme et où une autre révolution, la révolution industrielle avait déjà sévi. En France comme en Russie, le fruit était comme mûr, prêt à tomber. Il est intéressant de reprendre les propos de Louis XVI lorsqu’en 1776 Malesherbes lui présenta sa démission : « Que ne puis je aussi quitter ma place ! ». Il était sincère, il était surtout las. Passionné de chasse et de serrurerie, il portait comme un fardeau cette charge héréditaire qu’est la noblesse quant elle oblige à régner. Il n’en était guère autrement de Nicolas II, dernier de la famille Romanov qui à la mort de son père avouait « Non, je ne suis pas prêt à être un tsar. Je n'ai jamais voulu l'être. Je ne sais rien sur ce qu'il doit être fait pour gouverner. Je n'ai pas la moindre idée de comment on parle aux ministres ». Certes, plus de 100 ans après la révolution française, la Russie avait un niveau économique plus développé mais pas à proprement parlé une « grande industrie ». Si la situation économique qui précéda la révolution française était détestable suite notamment à des conditions climatiques rigoureuses, la Russie avait sous le règne de Nicolas II connu un essor tant économique que culturel qui avait surtout contribué à enrichir les paysans mais sortait affaiblie d’une guerre contre l’Allemagne, pays qui lui aussi connu sa révolution quasi au même moment mais ici sans « succès ». La révolution marque toujours un changement de paradigme ou plus exactement un changement de classe au pouvoir. Si la révolution française fut en grande partie faite par le peuple et profita à la bourgeoisie elle mit fin au régime monarchique. En Russie, elle mit fin au même régime et devait faire par ailleurs triompher la classe ouvrière sur les paysans. En France, le tiers état devait mettre à bas la noblesse et le clergé. Une majorité devant prendre le pouvoir sur une minorité. En Russie, la classe ouvrière était presque dans les limbes, elle était peu nombreuse au contraire des paysans qui constituaient encore la majorité de la population. En France comme en Russie il convenait de mettre fin aux privilèges de l’élite de la nation. En France de s’approprier les biens de la noblesse et du clergé, objectif qui en réalité ne fût pas atteint car suite à la nationalisation des biens de ceux-ci ce furent bien souvent les mêmes qui s’en portèrent acquéreurs, les petites gens n’en ayant les moyens. En Russie, on collectivisa les terres des paysans, on les leur confisqua cherchant ainsi entre autres à accroître les rendements agricoles par l’extension des terres confiées à l’exploitation et à drainer ces paysans vers l’industrie pour en faire des ouvriers et accélérer le rattrapage industriel de ce pays vis-à-vis des grandes nations. Tant en France qu’en Russie à ces époques, il n’y avait pas de « grand capital ». En France, il y avait des nobles qui possédaient des terres et les mettaient en fermage mais qui se détestaient cordialement et s’opposaient dans des factions rivales et dans des querelles sempiternelles. En Russie, certes il ya avait aussi une noblesse mais le capital était représenté par une multitude de petits paysans. L’Allemagne de 1918 était elle déjà fortement industrialisée, disposait de grandes usines et de grands capitaux et la noblesse foncière, les junkers, avait un pouvoir tant politique que militaire. La taille de leurs terres étaient plus importante, ils disposaient donc d’un plus grand pouvoir que les moujiks russes et les hobereaux français. Si la révolution russe comme le prétendent certains thuriféraires du bolchevisme a dû son succès à un travail de longue haleine de conscientisation des mouvements ouvriers rien de tel ne précéda la révolte française qui elle fut, ce qui est bien logique vu l’époque, en grande partie d’origine paysanne.

Il n’y a avait donc pas réellement de « grand capital » à abattre ni en France, ni en Russie au contraire de l’Allemagne de 1918 et du monde d’aujourd’hui. Il y avait un éparpillements des forces réactionnaires tant en France (multitudes de petits seigneurs, dissension entre la noblesse et le clergé) qu’en Russie (territoire immense et quantité de petits paysans) alors qu’il y avait un intérêt de classe soudé à défendre en Allemagne en 1918 tout comme aujourd’hui le grand capital flotte sous la même bannière : celle de l’argent. Il n’y avait pas de réelle volonté ou capacité de s’opposer à une modification de régime tant en France qu’en Russie, bon nombre de nobles considéraient d’ailleurs que la condition paysanne était scandaleuse et allèrent jusqu’à louer (hypocritement ou sincèrement) les mérites de la réforme. Aujourd’hui par contre, il y a une intérêt bien compris du grand capital à tout faire pour maintenir le statu quo ou mieux pour tirer encore la couverture à soi. La conscientisation des masses prônée par l’école bolchevique est aujourd’hui sans doute vaine. Les gens ne sont pas tout à fait ignorants et sentent bien qu’ils ne vivent pas dans le meilleur des mondes mais que peuvent-ils bien faire. Ils savent que les révolutions ont toutes mal tourné. Que la révolution française a fait passer le pouvoir de la noblesse à la bourgeoisie, que la révolution russe quoique certains puissent en dire a été un échec. Que si on peut encore concevoir une révolution qui confisque le pouvoir à une minorité pour le redistribuer, spolier la majorité de l’époque, c'est-à-dire les paysans, n’était pas réellement démocratique et que la promesse de confier l’outil de production aux ouvriers n’a pas été respectée. Que de plus la majorité est aujourd’hui tenue par le système capitaliste auquel elle « doit » son travail. Qu’apporterait donc une révolution ? Et quelle est la probabilité que le « grand capital » qui n’a vu ses forces qu’augmenter ces dernières décennies laisse échapper sa proie.

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