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Quelques réflexions sur l'économie politique ou la politique économique

Publié le 8 Septembre 2014

DRAGHI SERAIT IL DEVENU KEYNESIEN ?

Jeudi dernier, la BCE a non seulement annoncé une nouvelle baisse de ses taux directeurs à 0,05%, taux jamais enregistré, mais a aussi affirmé qu’elle allait lancer à partir du mois d’octobre une politique non conventionnelle, celle du rachat de titres adossés à des titres de créances ou asset backed securities, pariant sur le fait que cela permettrait de gonfler les prix des actifs dont l’immobilier ce qui encouragerait à l’achat de tels biens ainsi qu’à la construction de maisons relançant ainsi la croissance économique.

Il n’est plus question dans son discours de politique d’offre, de politique d’ajustements structurels qui selon le dogme ambiant étaient les seules à pouvoir, par l’accroissement de la compétitivité des entreprises qu’elles étaient supposées générer, relancer la croissance.

Cette décision est donc non seulement une première, la BCE se réservant par ailleurs la possibilité dans un second temps d’acheter aussi des emprunts d’Etat sur le marché secondaire, car en contradiction avec le cadre du Traité de Lisbonne qui interdit dans son article 123 le refinancement des Etat par la BCE, article qui avait déjà été mis à mal par l’annonce du programme OMT (Outright Monetary Transactions) en octobre 2012 qui visait à racheter des obligations souveraines sur le marché secondaire mais à la condition que les pays dont on rachèterait les papiers d’Etat aient fait amende honorable et aient demandé officiellement l’aide de la Troïka, programme par rapport auquel la Cour de Karlsruhe a demandé l’avis de la Cour de Justice Européenne quant à sa légalité mais aussi confirme une scission au niveau européen entre l’Europe (la BCE) et l’Allemagne. Par ailleurs, cette décision constitue surtout une révision de l’actuel paradigme prévalant en matière de politique économique ; les politiques de l’offre sembleraient, si n’étant pas directement contestées à tout le moins remises en cause. On serait en train d’assister à un retour des politiques de demande, du keynésianisme.

Il y a peu de temps une autre personnalité du monde économique Mr Larry Summers faisait aussi état de son inquiétude quant à la stagnation séculaire de l’économie américaine et préconisait des investissements en…infrastructures.

Tout ceci montre que la situation économique est grave et que les économistes ne savent plus à quel saint se vouer. Que le corset dans lequel l’Allemagne et son ordolibéralisme ont essayé de nous enfermer est en train de voler en éclat. Que les politiques de conditionnalité sont remises en question. Le Parlement Européen avait déjà remis les conclusions d’une enquête sévère quant aux pratiques du trio (Commission Européenne, FMI, BCE). Peut être que ce programme de rachat d’ABS et de covered bonds permettra aussi de nettoyer les bilans de bon nombre de banques dont ceux des Landesbank allemandes et ce juste avant la remise du rapport par la BCE de son Asset Quality Review qui était, ô surprise, promis pour le courant de ce même mois d’octobre évitant ainsi à bon nombre de ces institutions financières privées de montrer la réelle laideur de leurs comptes et d’éviter ainsi une recapitalisation. Un troc entre Draghi et Merkel aurait il été négocié ? Tu peux outrepasser le diktat de la Bundesbank et de la Cour Constitutionnelle allemande à condition que tu nettoyes mes écuries d’Augias. Cette politique de quantitative easing entreprise par la BCE est néanmoins favorable ou en tout cas pas défavorable quant à la croissance ou plutôt à l’évitement de la décroissance européenne. Mais elle ne suffira pas. Pour que les banques se remettent à prêter, il leur faut plus que des bilans sains, il leur faut des perspectives d’investissement attrayantes. Or dans le contexte économique actuel on est loin du compte et l’on comprend la réticence des banques à prêter à des entreprises qui ont, à l’exception des plus grands groupes qui se financent de toutes les manières en direct sur les marchés financiers, la corde au cou. Il faudra d’autres politiques non conventionnelles cette fois mises en place, non par la BCE, mais par nos gouvernements et la Commission Européenne pour nous sortir d’affaire mais avant de voir ça, il nous faudra encore souffrir quelques temps.

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